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Mais qui est donc cette drôle de personne qui vous parle d’utérus, de règles et d’endométriose ? Pourquoi fait-elle donc cela ? Quelles sont ses motivations ? Que recherche-t-elle ? Qu’elle est son histoire ?
Je dois vous avouer que je redoutais un peu l’écriture de cet article. Pour ceux qui me connaissent, ils ne sont pas sans savoir que je me confie très peu. Je suis de nature pudique avec ma vie et mes sentiments. Et quand je me décide à le faire, c’est dans une sphère privée uniquement. L’étalage de vie sur les réseaux ce n’est pas trop mon genre ! Pourtant, aujourd’hui, j’ai décidé de me jeter à l’eau. ENFIN. Il le fallait. Il le faut pour cette endométriose.
Vous l’aurez certainement compris, je m’appelle Victoria, mais tout le monde m’appelle Vic. Je vais bientôt avoir 18 ans, je ne suis encore qu’une « ado », c’est d’ailleurs pour ça que la cause de l’endométriose à l’adolescence me touche autant. Je l’ai vécu et je le vis toujours. Maintenant que vous avez ma carte d’identité, je peux commencer à vous raconter la vie de mon utérus bien révolté ;) (parce que bon, après tout, ça faisait un peu bizarre de vous ouvrir les portes de mon ventre si vous ne connaissiez même pas mon prénom).
A mon plus grand désespoir, j’ai été réglée très jeune. Je n’avais que 10 ans et demi et c’était en plein moins d’août à la plage. Déjà qu’avoir ses règles pour la première fois ce n’est pas une partie de plaisir : ne pas pouvoir se baigner pendant une semaine cela alimente cette relation amour-haine naissante. J’ai donc eu mes premières menstruations avant la moyenne et j’avoue que j’étais très peu préparée. Ma maman m’en avait brièvement parlé. Mais elle était très loin de penser que cela arriverait aussi tôt. Lors de cette discussion elle m’avait parlée des douleurs. J’étais donc préparée à ressentir des crampes au niveau du ventre le jour J. Elle m’avait ensuite rassurée en m’expliquant qu’un doliprane devrait les faire passer. Je ne m’inquiétais donc pas plus que cela. Vous pouvez alors imaginer ma stupeur quand un matin, en plein mois d’août, je me suis réveillée avec de violentes douleurs dans le bas ventre. Jamais au grand jamais, je n’avais ressenti de telles douleurs. Elles étaient si fortes qu’il m’était impossible de marcher. Je me tordais dans tous les sens, je pleurais, j’imaginais le pire. Face à ma souffrance, ma maman n’a pas immédiatement pensé aux premières règles. Il est vrai que mes douleurs étaient plus localisées du côté droit de mon ventre : laissant croire à une possible crise d’appendicite. Ces crampes ont duré toute la journée, jusqu’à ce que je sente un soulagement. J’ai alors découvert mon paréo blanc tâché de sang. Je venais d’avoir mes toutes premières règles et j’étais déjà découragée rien qu’à l’idée de la répétition de ce schéma mensuel. Ma maman essayait de me rassurer : les douleurs étaient aussi fortes car il s’agissait du début, les prochains cycles seraient plus évidents. Je voulais la croire et lui faire confiance. Mais au fond de moi, bien profond, je savais pertinemment qu’elle avait tort. Et l’avenir allait malheureusement me donner raison.
L’année de mes premières règles a été des plus mouvementée : rien ne se passait comme prévu. On m’avait expliqué que la douleur passait avec un doliprane : cela ne fonctionnait pas. On m’avait expliqué que ça arrivait tous les mois pendant une semaine : ce n’était pas le cas. En réalité, j’avais toujours des douleurs horribles et mes menstruations n’étaient pas du tout régulières. Je pouvais les avoir une fois tous les trois mois comme deux fois dans le même mois ! Et elles étaient très abondantes cela durait à chaque fois au moins dix jours. Face à un schéma si peu conventionnel, j’ai donc consulté mon médecin généraliste. Cette dernière ne voyait pas de problèmes particuliers. Elle me répétait sans cesse que c’était le début ! Mon corps était entrain de se mettre en place. Il n’y avait donc selon elle pas d’inquiétudes à avoir. Ce médecin m’a alors prescrit des anti-inflammatoires pour la douleur et a coupé court à la consultation. Suite à ce rendez-vous je n’étais pas plus rassurée. J’avais toujours cette profonde certitude, enfouie en moi, que quelque chose ne tournait pas rond.
A la fin de cette première année, j’ai fini aux urgences. Les douleurs étaient de pire en pire. Mais cette fois-ci, nous n’avions pas fait le lien avec mes menstruations. En effet, les douleurs étaient, pour une fois, avant leur arrivée et essentiellement localisées du côté droit de mon ventre. Tout portait à croire que je faisais une crise d’appendicite. Nous sommes donc, ma maman et moi, allées à l’hôpital pour savoir ce qu’il se passait. Mes douleurs préoccupaient pas mal les pédiatres et eux aussi croyaient à la fameuse appendicite. Ils ont donc décidé de m’hospitaliser pour me surveiller et soulager mes douleurs. Cependant, après plusieurs jours, le diagnostic de l’appendicite s’avérait être erroné. A la suite de plusieurs examens, prises de sang et visites de chirurgiens « j’allais bien ». Du moins selon les docteurs. Mes douleurs, elles, étaient bien présentes. Je devais être perfusée pour recevoir de puissants antalgiques afin d’être un minimum soulagée. Ma maman et moi étions très inquiètes. Nous ne savions toujours pas pourquoi je souffrais autant. Après une semaine d’hospitalisation, les médecins ont conclu que c’était psychosomatique. En gros : mes douleurs reflétaient un mal-être psychologique enfuit. Pour eux cela ne pouvait être que cela, surtout après qu’ils aient découvert que mon père était décédé lorsque j’avais cinq ans. J’étais donc bonne pour une lourde thérapie avec un psy. La petite fille que j’étais n’a pas su s’imposer face à ce diagnostic. A vrai dire, j’étais naïve, je souffrais et j’avais envie de croire qu’ils avaient raison. Après tout, c’était eux les médecins. Qui étais-je pour remettre leur jugement en doute ? Je n’avais que onze ans, j’étais seulement en sixième et ma moyenne en sciences laissait vraiment à désirer.
Je suis donc allée voir un psychologue. Je voulais faire preuve de bonne foi face aux docteurs. Et puis en soit, consulter un psy ne fait de mal à personne. Cela serait d’ailleurs mentir de dire que cela ne m’a pas soulagé d’y être allée. Cependant, ce thérapeute a confirmé ce que je pensais. Mes douleurs n’étaient pas psychosomatiques. Il fallait donc creuser ailleurs!
L’été de cette même année, soit un an après mes premières règles, je suis retournée aux urgences. Je souffrais d’une autre crise douloureuse, similaire à celle de ma première visite. Cette fois-ci j’étais sûre de moi, c’était l’appendicite. Les douleurs étaient toujours localisées dans l’aine droite et le psy avait confirmé que ce n’était pas dans ma tête. Malheureusement, il ne s’agissait pas de cela. Les médecins, une fois de plus, n’ont rien trouvé. Ils m’ont alors encore sermonné et demandé de rentrer chez moi ainsi que de consulter un autre psy. Je me sentais terriblement seule et incomprise. Si bien que j’avais décidé de nier mes douleurs et mon corps. Puisque les douleurs étaient dans ma tête, elles ne devaient donc pas être réelles. Ainsi, pendant deux années, jusqu’à mon année de quatrième je n’ai rien dit à personne Je tenais même ma maman, dont je suis si proche, dans l’ignorance ! Je me pensais condamnée à souffrir en silence. Après tout, selon les médecins c’était normal d’avoir mal.
C’est seulement durant l’été entre mon année de quatrième et de troisième que j’ai commencé à me poser des questions. En effet, j’ai eu de nouveau une crise douloureuse. Cette fois-ci, elle était un peu différente. Les douleurs étaient arrivées pendant mes règles et m’empêchaient de marcher. J’avais des sueurs et il m’était impossible d’aller aux toilettes. J’ai dû donc faire un autre séjour aux urgences. Encore une fois, les médecins étaient perdus face à mon cas. Ils se contredisaient tous au niveau du diagnostic : certains disaient que c’était bien une crise d’appendicite, d’autres qu’ils s’agissaient d’une hernie ou encore d’une torsion de l’ovaire. Une chose était sure : ils étaient tous prêts à m’ouvrir le ventre. Face à de tels discours nous n’étions pas très rassurées. J’avais plus l’impression d’être un cobaye plutôt qu’une patiente. Au final, personne ne m’a opéré, et avec le recul j’ai envie de vous dire heureusement pour moi ! Ils ont donc fini par me renvoyer chez moi avec une ordonnance de médicaments. Je ne savais toujours pas ce qu’il se passait. Mais j’étais plus convaincue que jamais que quelque chose ne tournait pas rond !
Il a fallu que j’attende l’année de ma troisième et de mes 14 ans pour attendre pour la première fois le mot « endométriose ». C’est d’ailleurs à cette même époque que mes règles sont devenues beaucoup plus régulières. Par conséquent, les douleurs également. C’est après avoir changé de médecin généraliste que j’ai enfin pu avoir une écoute de qualité. C’est grâce à elle que j’au pu faire une IRM en urgence pour tenter un diangostic lors d’une autre crise douloureuse. Malheureusement, cet examen n’ayant pas été réalisé par des spécialistes de la maladie, rien n’a pu être trouvé. Mais je ne perdais pas espoir pour autant ! Nous étions sur la bonne voie !
Suite à cela, je suis donc allée voir une gynécologue de ville, qui n’a pas su confirmer l’endométriose. Elle m’a simplement prescrit la pilule pour essayer de calmer mes douleurs. Cependant, cela n’a pas eu l’effet escompté et ma souffrance ne faisait que grandir de jour en jour. J’ai donc essayé plusieurs pilules, avant de passer à la fameuse pilule en continue supposée tout régler. Encore une fois, cela n’a strictement rien fait. Je me suis même encore retrouvée hospitalisée quelques mois plus tard tant la douleur était forte.
Lors de cette hospitalisation, le nom d’« endométriose » a été prononcé à plusieurs reprises. J’espérais de tout cœur que cette fois-ci j’allais enfin être diagnostiquée et mettre des mots sur mes maux. En revanche, comme j’étais encore mineure j’ai été placé dans un service de pédiatrie. Bien que les pédiatres faisaient preuve de bonne volonté ils ne sont pas formés pour détecter de telles maladies gynécologiques. Je souffrais d’une maladie d’adulte mais j’étais coincée dans un corps d’enfant. Afin d’essayer de faire avancer ma situation, ils ont fini par faire appel au gynécologue de l’hôpital. Lui non plus n’a pas su voir l’endométriose. Il a juste vu de légères varices pelviennes, au niveau de l’utérus et des ovaires. Cependant, pour ces médecins cela ne justifiait pas une telle souffrance. Ils m’accusaient donc de simuler afin d’avoir de la morphine. J’étais désemparée. Je ne me sentais ni écoutée ni soutenue. J’avais l’impression d’être seule ! Une psychologue est même venue pour essayer de me raisonner et de me faire avouer que j’exagérais. Une nouvelle fois, les douleurs psychosomatiques sont revenues sur la table. Cette foos-ci on accusait même ma mère de faire un transfert de ses douleurs sur moi. Car oui, quelques années auparavant on lui avait trouvé une endométriose ! Cependant il était trop tard et elle a dû subir une ablation de l’utérus. Malgré ce terrain génétique non négligeable, les médecins continuaient de nier l’évidence.
Après cette rude hospitalisation je suis donc rentrée chez moi avec une ordonnance pour régler cette histoire de varices pelviennes. Je devais consulter un professeur spécialisé en embolisation. J’y suis allée et j’ai enfin reçu l’écoute que je cherchais et que je méritais. Ce docteur a écouté mon histoire et mon historique médical durant une heure avec la plus grande des attentions. Cependant, il lui semblait étrange que de simples varices me causaient une souffrance aussi importante. De plus, il ne comprenait pas comment elles avaient pu apparaître. C’était vraiment rare compte tenu de mon âge ! Mais après tout, la médecine n’est pas une science très exacte. Il planifia alors une intervention pour régler ce fâcheux problème. D’une part, je me sentais soulagée : je pouvais enfin me dire que je n’étais pas folle, mes douleurs allaient bientôt être de l’histoire ancienne. Pourtant, j’étais bien loin de me douter de ce qu’il allait se passer. Quelques jours avant l’opération, le professeur nous a rappelées : pour lui les varices n’étaoent pas l’unique cause de ma souffrance. Il en était sûr, je souffre d’endométriose. Par chance, une réunion de gynécologue sur le sujet avait lieu le jour même. Il a donc présenté mon cas afin que je sois diagnostiquée. Le lendemain, il nous rappela. Son intuition ne s’était pas trompé. Le verdict est tombé : mes douleurs étaient bien provoquées par l’endométriose. L’endométriose. Une maladie chronique avec laquelle je devais désormais cohabiter et apprendre à vivre. L’endométriose. Une pourriture quotidienne que j’allais surnommée : la garce.
A la suite de ce diagnostic, je me sentais bien entendu soulagée mais j’étais surtout terrifiée. Je ne savais pas ce qu’il allait m’arrivé et comment j’allais m’en sortir. Heureusement, ma maman était d’une grande aide. Ayant elle aussi souffert de cette maladie, elle pouvait me soutenir et ne cessait de se battre pour moi. Cependant, ma forme à moi était plus intense et grave que la sienne. Elle se sentait donc très démunie face à ma souffrance. Nous devions mener une bataille ensemble contre cette maladie. Et elle était de taille ! Les mois qui ont suivi étaient très rudes. Il fallait trouver un spécialiste de la maladie pouvant me prendre en charge et mon âge ne nous facilitait pas la tâche. Bon nombre d’entre eux étaient frileux à l’idée de s’occuper de moi. On me disaient que j’étais condamnée, que mes atteintes étaient trop importantes et qu’on ne pouvait rien faire. Une fois, l’un d’entre eux a même voulu me retirer l’utérus en me promettant que cela me guérirait ! Comment vous dire que je suis partie en prenant mes jambes à mon coup !
Il aura donc fallu 6 mois après mon diagnostic pour trouver LE spécialiste qui allait pouvoir dompter cette garce d’endométriose. Sa découverte a d’ailleurs été une réelle bénédiction et a eu lieu grâce à de vraies anges : sur un groupe Facebook. Je sais que certaines d’entre elles me lisent, et je leur en serai à jamais reconnaissante. Une fois, le bon gynécologue trouvé, j’ai dû attendre une année entière avant de pouvoir me faire opérer ! Je vous raconterai cette période à l’occasion d’un autre article car elle vaut le détour. Je me suis donc faite opérer pour la toute première fois le 22 mai 2018 à l’âge de 15 ans. Cette première intervention fut un réel succès et m’a permise de vivre deux ans sans la moindre douleur. Malheureusement au bout de deux ans, les douleurs sont revenues. Face à l’échec des traitements hormonaux j’ai dû subir une nouvelle intervention le 12 juin dernier. Je vous raconterai tout cela également dans un autre article, car celui-ci est déjà bien assez long !
J’espère que mon histoire vous aura permise de mieux comprendre la maladie et surtout de vous identifier davantage. Je sais que parfois le diagnostic de cette maladie peut faire peur, que le parcours est très long et périlleux. Mais on peut s’en sortir ! Il ne faut surtout pas se décourager et perdre espoir, même si cela est très tentant. Il faut garder en tête que l’endométriose n’est pas et ne doit pas être une fatalité ! On peut y survivre je vous le garantis. J’aimerai aussi ajouter que souffrir n’est jamais normal quel qu’en soit la cause. Il ne faut pas toujours faire confiance lorsque on vous répond qu’une séance chez le psy réglera tout ! Je suis la preuve que parfois la médecine française peut être encore lente et en retard sur certaines maladies. Faites-vous confiance, vous seules connaissez votre corps !
Love, vic
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